Le prochain congrès aura lieu les 27 et 28 avril 2023 à l’Université du Québec à Montréal.
L’appel à communications est ouvert!
Nous invitons tous les chercheurs et chercheuses intéressé.e.s par ce questionnement sur l’innovation théorique et conceptuelle dans l’étude de la religion, peu importe l’affiliation et la formation disciplinaires, à nous soumettre une proposition de communication, de table-ronde ou de panel (intégrant tous les éléments d’une proposition de communication). Nous vous rappelons que les propositions de communications qui se situent hors du thème proposé sont également les bienvenues.
L’innovation théorique et conceptuelle dans l’étude de la religion : recompositions, émiettements, actualisations
Si le premier congrès biennal de la SQER en 2021 s’intéressait à la tradition québécoise d’étude de la religion et invitait les contributeurs et contributrices à s’engager dans une réflexion avant tout diachronique, ce second congrès fait le choix de la synchronicité. Bien que nous ne perdions pas de vue que les travaux contemporains sont redevables de ceux qui les précèdent et s’inscrivent nécessairement dans une filiation, nous faisons le choix d’observer les travaux sur la religion « en train de se faire », notamment dans leurs relations au temps long, aux cultures et aux héritages dans lesquels ils s’ancrent ou dont, au contraire, ils cherchent à se distancier.
Pour ce faire, nous souhaitons interroger comment celles et ceux qui travaillent sur des objets religieux discutent, intègrent ou même écartent les outils théoriques, méthodologiques ou les matrices interprétatives, qui jalonnent l’histoire récente des sciences humaines et sociales. Cette conversation au cœur des travaux sur la religion s’inscrit plus largement dans les débats mettant en jeu diverses conceptions – positivistes ou constructivistes – de l’épistémologie des sciences ainsi que dans une réflexion autour des effets contextuels de l’« ultramodernité » ou de la « postmodernité » sur les formes d’institution, de rationalité et de régulation de la vie collective (Willaime et Portier, 2021).
C’est à la suite des réflexions de Jean Piaget (1967) que la distinction entre épistémologie externe – pratiquée par des épistémologues de profession qui se consacrent à la théorie de la connaissance – et interne – pratiquée au sein même d’une discipline ou d’un domaine d’étude – s’est imposée. Ce congrès de la SQER s’inscrit explicitement dans la seconde perspective: il se veut un espace pour présenter, discuter ou critiquer des travaux originaux mobilisant des cadres théoriques récents ou plus classiques, de même que pour réfléchir aux effets de ces outils sur la nature, le périmètre et les finalités des travaux sur la religion.
Par exemple, les travaux appartenant aux « critical religious studies » se sont accompagnés d’une remise en cause de ce qui semblait jusqu’alors acquis, à savoir la validité d’une définition transculturelle et anhistorique de la religion, souvent héritée des Lumières. Inspirés par les approches postcoloniales, des auteurs et autrices insistent sur la dimension éminemment politique de la construction du savoir scientifique occidental dont la neutralité sur le plan axiologique mérite d’être discutée, voire contestée. C’est ce que traduit par exemple l’expression « impérialisme cognitif » (Fitzgerald, 2000) qui pointe les effets politiques du savoir que les puissances coloniales ont imposé aux colonisé.e.s, et qui perpétuent dans le monde contemporain des « injustices épistémiques » (Fricker, 2007). C’est dans cette perspective qu’interviennent notamment les « épistémologies situées » (standpoint view theory) qui investissent cet espace relationnel entre la position de la chercheuse, du chercheur et son objet d’études. En contexte québécois, les discussions entourant le vocabulaire le plus approprié pour traiter de l’univers symbolique autochtone (Laugrand, 2013) ou les modalités de co-construction des connaissances avec les communautés locales illustrent par exemple l’effort pour penser les effets structurants des catégories « scientifiques » dans les imaginaires collectifs.
L’une des particularités des discussions portant sur les ressources théoriques contemporaines en sciences humaines et sociales est leur capacité à dépasser les cercles académiques. En effet, alors que les discussions de nature épistémologique sont habituellement réservées à une poignée de spécialistes, elles ont été, au cours des dernières décennies, largement diffusées et médiatisées dans l’ensemble de la société, questionnant à nouveaux frais la frontière entre savoirs, non-savoirs, experts et profanes. S’engage d’ailleurs dans l’espace académique comme dans l’espace public une nouvelle interaction, parfois conflictuelle, entre diverses formes de savoirs ou registres de vérité, qu’ils soient scientifiques, expérientiels ou religieux. Cela pose une série de questions en sciences humaines et sociales en général et aux travaux sur la religion en particulier : comment définir l’« objectivité » ou la « neutralité » de notre démarche et des savoirs produits? Quelles limites peut-on tracer entre le registre scientifique et les autres formes de savoirs ou de croyances ? Quel peut être le rôle de l’« expertise » scientifique dans les débats d’actualité ? Pour les sciences des religions en particulier, quelles sont les spécificités ou les zones de chevauchement par rapport à d’autres perspectives d’analyse du religieux ou des religions, telles que la théologie, les sciences politiques ou juridiques abordant par la bande cet objet?
Ce contexte d’incertitude quant à la nature, aux finalités et aux contours épistémologiques des savoirs scientifiques est aussi propice à une réflexion sur les rapports entre sciences, éthique et politique. C’est le cas des débats publics engageant dans des perspectives souvent complexes les « experts » devant intervenir dans des situations aux limites de la démarche scientifique et politique. Nous pouvons penser ici aux auteurs.rices qui se trouvent pris dans un bras de fer pour défendre diverses conceptions de la « bonne » ou de la « vraie » science, en s’engageant paradoxalement dans des rapports de pouvoir qui accentuent les polarisations politiques ou idéologiques entre ces conceptions au sein du grand public, comme c’est souvent le cas autour de thématiques clivantes, tel que la radicalisation, l’islam ou la laïcité.
Sur le plan éthique et politique se pose aussi la question de savoir comment et jusqu’à quel point les recherches et les savoirs scientifiques peuvent et doivent répondre à des besoins ou à des intérêts sociaux spécifiques (ex. bien-être de certaines communautés, inclusion, reconnaissance, etc.) ? Par exemple, certains résultats doivent-ils être tus? Certaines recherches ou approches en sciences des religions devraient-elles être promues grâce aux institutions universitaires ou aux organismes subventionnaires (par ex. répondant aux critères Équité, diversité, inclusion – EDI) ? Quels types d’impacts cela peut-il occasionner sur l’évolution de ce champ d’études et le rôle des « sciences » des religions dans la société ? Bien que le congrès de la SQER n’ait pas directement vocation à s’engager dans l’arène politique médiatique et prendre position par rapport à certains savoirs, les chercheuses et chercheurs dans le domaine du religieux ne se tiennent pas à l’écart de ces discussions qui sont susceptibles d’avoir un impact sur leurs démarches de recherche.
Les axes de réflexion proposés
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L’intégration des outils théoriques dans les travaux de recherche. Ce premier axe sera l’occasion d’explorer en quoi le renouvellement conceptuel et théorique dans le domaine de l’étude de la religion, en tenant compte de la diversité des ancrages disciplinaires, permet de produire des travaux de recherche originaux et d’aborder d’une manière nouvelle des objets dont le traitement est déjà bien balisé. Qu’il s’agisse des approches féministes, critiques, postcoloniales et décoloniales, ou encore intersectionnelles – certaines se recoupant d’ailleurs partiellement – elles ont en effet commun de repenser les objets, les méthodes, voire les finalités des travaux de recherche. En même temps, certaines propositions pourront aborder ces mêmes approches d’un point de vue critique ou en pointer les limites eu égard à différentes thématiques de recherche, mettant notamment en jeu l’histoire des idées et le temps long. D’autres travaux pourront réfléchir à la mobilisation de catégories « universalisantes » souvent issues du christianisme (ex. rites, récits, règles, signes religieux, croyances, etc.) pour aborder de nouvelles formes d’identités ou d’appartenances religieuses défiant les classifications traditionnelles (ex. sans-religion ou none religion, cosmologies, etc.).
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La posture adoptée par les membres de la communauté scientifique. L’une des critiques fréquemment adressées aux chercheurs et chercheuses dans le domaine des sciences humaines et sociales est celle d’un supposé déficit de “neutralité axiologique”, expression fréquemment mobilisée sur le mode de la dénonciation (Heinich, 2021). Ainsi, certain.e.s feraient passer un agenda militant avant la rigueur scientifique. D’autres contestent les articulations entre savoir, pouvoir et politique, qui entacheraient l’appréhension des phénomènes sociaux par la science et qui nécessiteraient une prise en compte systématique de sa « position » de chercheur.e. Si le savoir est étroitement lié au pouvoir, comme l’affirment les perspectives postcoloniales à la suite de Michel Foucault, alors il n’est plus possible, en effet, de revendiquer une forme de non-engagement qui serait, dans le pire des cas, une forme de prise de position qui s’ignore. Cet axe sera ainsi l’occasion de voir comment la mobilisation de certains cadres théoriques ou de perspectives méthodologiques oblige les chercheur.e.s à repenser ou à prendre acte de leur position dans le champ scientifique. Pourront aussi être proposés dans cet axe des travaux qui explorent sous divers angles le rôle des institutions scientifiques ou politiques dans la promotion ou la modération de certains types de recherches, la question de l’arrimage entre les approches scientifiques de la religion et la société ou encore le rôle des chercheur.e.s au sein de débats publics portant sur des sujets extrascientifiques (p. ex. laïcité, démocratie, sectes, extrémismes, religion majoritaire, etc.).
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Les objets nouveaux ou repensés : un troisième axe s’intéressera aux nouveaux objets d’étude et les nouvelles méthodes dans les travaux sur la religion émergeant dans ce contexte épistémologique marqué par la pluralité des prémisses et des approches. Comment la nouvelle épistémologie constructiviste et l’émiettement de la catégorie « religion » à travers le regard, notamment celui de la critique postcoloniale, (re)construit le champ de vision des chercheur.e.s et les finalités de leurs travaux ? Quels marqueurs identitaires sont explorés en interaction avec le champ religieux ? Comment les « récits » individuels ou collectifs convoqués en recherche qualitative sont recueillis, analysés et interprétés ? Quelle place doit-être dévolue aux travaux quantitatifs sur le religieux ? Quels nouveaux paradigmes interprétatifs permettent de lire les données? Comment l’éclatement ultramoderne se reflète-t-il dans les diverses recherches portant sur des objets religieux ?
Outre les trois axes proposés qui serviront de trame de fond au 2e congrès biennal de la SQER, le comité accueillera également toutes propositions de communications libres ou de colloques (panels) structurant une réflexion de fond sur d’autres questions pertinentes en lien ou non avec ces premières entrées. Un questionnement transversal ou dans l’un des axes pourra enfin aborder la ou les postures québécoises en lien avec les thèmes discutés, notamment dans une approche comparative avec d’autres contextes nationaux ou académiques.
Références
Fitzgerald, Timothy. 2000. The Ideology of Religious Studies. New York et Oxford: Oxford University Press.
Fricker, Miranda. 2007. Epistemic Injustice: Power and the Ethics of Knowing, Oxford: Oxford University Press.
Laugrand, Frédéric. 2013. « Pour en finir avec la spiritualité: l’esprit du corps dans les cosmologies autochtones du Québec », dans Les Autochtones et le Québec. Des premiers contacts au Plan Nord, sous la dir. d’Alain Beaulieu (et al.), p. 213-232, Montréal : Presses de l’Université de Montréal.
Heinich, Nathalie. 2021. Ce que le militantisme fait à la recherche. Paris : Gallimard.
Piaget, Jean. 1967. Logique et Connaissance scientifique. Paris : Gallimard.
Willaime, Jean-Paul et Portier, Philippe. 2021. La religion dans la France contemporaine
Entre sécularisation et recomposition. Paris : Armand Colin.
La tenue d’un colloque annuel est l’une des principales activités de la SQER depuis sa fondation, il y a plus de 30 ans. Après la relance de la société savante en 2015, les membres ont décidé d’en renouveler la formule en tenant désormais un congrès aux deux ans, en alternance dans une université québécoise.Nous serons heureux de vous compter parmi nous!
Inscription
Pour participer au Congrès (conférenciers inclus), vous devez avoir acquitté l’adhésion à la SQER et être membre en règle.
Inscription
Frais d’adhésion SQER | ||
Professeurs.es | 125$ | |
Étudiants.es, postdoctorants.es et personnel professionnel de recherche | Étudiant 1er cycle: 25$ Étudiant 2e et 3e cycles: 35$ Postdoc./prof.recherche: 50$ | |
Autres membres (retraités, diplômés, etc.) | 50$ |
Programme
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L’UQAM et l’étude du religieux
Fort d’une histoire qui remonte à la fondation de l’UQAM, à la fin des années soixante, le département de sciences des religions de l’UQAM faisait partie de l’ensemble des sciences humaines lors de la fondation de l’université en 1969. Ses membres provenaient alors des Écoles normales Jacques-Cartier et Ville-Marie, ainsi que du collège Sainte-Marie. Dès le début, ils s’entendaient pour pratiquer et transmettre une approche non théologique dans l’étude de la religion, dans la tradition de l’Histoire et de la phénoménologie des religions ou de la Religionsgeschichte et de la Religionswissenschaft. Afin de bien marquer la spécificité de leur discipline dans le système universitaire québécois où seule la théologie avait caractérisé l’étude de la religion jusqu’alors, les professeurs et professeures avaient choisi de porter le titre de « religiologue » et de nommer leur démarche la « religiologie ».
Les années 1970 furent consacrées essentiellement au développement de la programmation de premier cycle dont les enseignants constituaient la clientèle majoritaire. Mais, dès le départ également, le département s’était donné comme objectif le développement d’une recherche originale et la formation aux études supérieures. En témoigne, l’ouverture, en 1972, d’une maîtrise ès arts en sciences religieuses. Par ailleurs, de vives et constantes discussions épistémologiques et méthodologiques se poursuivaient tant entre les membres de l’équipe professorale qu’avec les collègues d’autres universités, pour clarifier la nature de la religiologie, sa position au sein des sciences humaines et ses rapports avec la théologie. En témoignent la première publication collective intitulée Religiologiques (1970), ainsi que de nombreuses participations à des colloques nationaux et internationaux porteurs de la question disciplinaire. À cet égard, il faut retenir tout particulièrement le rôle des professeurs Raymond Bourgault et Yvon Desrosiers, premier directeur du département.
Les années 1980 pourraient être caractérisées par le passage d’un souci de définir un programme disciplinaire nouveau pour le Québec, à celui d’en développer la fécondité au moyen de recherches empiriques et théoriques particulières. Le deuxième collectif du département, Religion et culture au Québec : Figures contemporaines du sacré (Fides, 1984), en livre une illustration concrète. L’ouverture d’un programme de doctorat en sciences des religions en 1988 permit alors au département de devenir le seul au Québec à offrir une formation à tous les niveaux en français et signale également qu’un seuil important de reconnaissance académique a été franchi. Ce doctorat offert conjointement avec l’Université Concordia engage également les deux universités à développer davantage une collaboration inaugurée dès 1978 par la fondation du Regroupement interuniversitaire pour l’étude de la religion.
Les années 1990 poursuivent le développement en nombre des étudiants et des professeurs, des programmes desservis, des recherches subventionnées et des publications. En témoigne la fondation d’une revue savante accessible en format électronique qui reprend le titre Religiologiques (1991) et où paraît, en 1994, un numéro thématique anniversaire sur le thème « Construire l’objet religieux » qui permet de situer l’entreprise de connaissance du département dans le contexte de la recherche internationale. En témoigne également la réalisation du collectif départemental Un monde de religions qui présente une introduction au panorama mondial des traditions religieuses de l’humanité.
Le département a depuis lors abordé le nouveau millénaire en toute confiance avec bon nombre d’initiatives majeures. La première fut la direction par deux professeurs d’un collectif intitulé L’Étude de la religion au Québec. Bilan et prospectives (2001), collectif qui tente de faire une synthèse de la production savante québécoise et de dégager des pistes de recherches pour l’avenir. La seconde initiative se place dans la poursuite de l’effort entamé avec la création du doctorat conjoint avec l’Université Concordia puisque depuis 2001, l’Université Laval a rejoint ce programme. L’arrivée de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval a permis aux étudiants et étudiantes de notre département d’avoir accès à un immense foyer de chercheurs et de chercheuses francophones et anglophones. Enfin, des voyages d’étude en Inde ou au Tibet, auxquels étudiants et étudiantes et professeurs et professeures ont participé, ont abouti avec succès sur la tenue de colloques, de films ou de publication (ex. le numéro 23 de la revue Religiologiques : « Pérégrinations au Tibet »).
De 2007 à 2017, l’équipe départementale s’est grandement accrue avec l’embauche de nombreuses nouvelles ressources professorales, tant en anthropologie qu’en études islamiques, en études bouddhiques, en études autochtones, en christianisme, en formation à la culture religieuse et en pratique et intervention, assurant ainsi le dynamisme et la variété des champs de spécialisation sur lesquels peuvent compter les étudiants de tous les niveaux